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Séjour long

Katherine E.
Hoffman

Anthropologie - USA

Discipline(s)

  • Anthropologie
  • ethnologie
  • préhistoire

Thèmes de recherche

DISCIPLINE

Anthropologie

PROJET

RÉGIMES DE SOIN: LA TUTELLE ISLAMIQUE (KAFALA) ET L'ADOPTION TRANSNATIONALE DES ORPHELINS MUSULMANS

Ce projet de recherche s’intéresse aux défis que constitue la transposition d’une institution inspirée par le droit islamique des États de l’Afrique du Nord vers les pays européens. Elle entraîne une confrontation juridique des conceptions de la famille et de la possibilité d’une parenté non‐biologique, alors que celles‐ci se rejoignent parfois dans les pratiques domestiques. Plus précisément, ce projet examine la tutelle islamique (kafala en arabe) des enfants abandonnés nés en Algérie et au Maroc et élevés par des citoyens français (souvent d’origine maghrébine), et à la possibilité contestée que ces parents « kafils » adoptent ces enfants nés sous des législations qui prohibent l’adoption (tabanni en arabe). La plupart des pays musulmans offrent à la place la kafala, une institution qui permet le transfert de l’autorité parentale pour les enfants abandonnés. Le parent kafil prend en charge la protection et l’éducation jusqu’à l’âge adulte de l’enfant, mais n’emporte ni droits de filiation ni succession. En revanche, dans de nombreux pays occidentaux, l’adoption plénière établit juridiquement une descendance par rapport au(x) parent(s) adoptif(s), rompant le lien avec les parents biologiques, lorsque ceux‐ci sont connus. L’adoption simple, qui existe dans certains pays comme la France et la Belgique, introduit un lien entre l’enfant et le(s) parent(s) adoptif(s), sans rompre le lien avec les parents biologiques. L’adoption et les formes de tutelle ou de délégation parentèle permises par la loi diffèrent selon les régimes juridiques occidentaux, et en particulier, en ce qui concerne ce projet, au sein de l’Union européenne, malgré l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit en principe pour toutes les familles le respect de la vie familiale et de la vie privée, des concepts que la jurisprudence définit progressivement. Les anthropologues ont abondamment documenté la tutelle et l’adoption dans de nombreuses sociétés au cours du temps, dénaturalisant des formes de famille qui peuvent apparaître évidentes selon les pratiques culturelles. Depuis que la Convention internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) de l’ONU en 1989 a établi le principe de « l’intérêt supérieur de l’enfant »(art. 3) et a reconnu officiellement la kafala comme protection alternative à l’adoption (art. 20), les États ont de plus en plus débattu et légiféré sur le sens de cette reconnaissance, et sur la possibilité, ou l’impossibilité, de l’adoption par les tuteurs kafils. S’il est maintenant largement admis que les droits de l’enfant font partie des droits de l’homme, la France se démarque des autres Etats européens par sa préférence pour le statut juridique des enfants abandonnés dans les pays à majorité musulmane aux dépens de la législation de l’État où sont résidents ou d’où sont ressortissants les parents adoptifs. Malgré l’affirmation par les États européens que les enfants « makfoul » bénéficient des protections des enfants biologiques ou pleinement adoptés, la jurisprudence et les témoignages de juristes et d’acteurs de la société civile font état de plaintes de parents kafils devant des juridictions de première instance, d’appel et de cassation et devant la Cour européenne des droits de l’homme. Ce projet de recherche porte ainsi sur une question sociale brûlante dans la mesure où la France est confrontée avec les difficultés juridiques que posent ses familles musulmanes transnationales, dans un contexte où les parents candidats se tournent de plus en plus vers l’Afrique du Nord, face au déclin des possibilités d’adoption nationale ou internationale.

Activités / CV

BIOGRAPHIE

Katherine E. Hoffman est anthropologue et maître de conférences à Northwestern University (Evanston, IL, USA). Elle s’est spécialisée dans la relation entre l’ethnicité, le droit, l’histoire, la politique économique et l’expressivité culturelle. Sa recherche examine ce lien étroit principalement en Afrique du Nord et en France de la fin du XIXe siècle à nos jours, en particulier dans la mesure où il a été imprégné par les déclinaisons du colonialisme français, de l’anti‐impérialisme, du nationalisme et du post‐nationalisme. Son livre We Share Walls: Language, Land and Gender in Berber Morocco (2008, Wiley‐Blackwell) est une étude ethnographique de la manière dont la politique économique, le nationalisme et les migrations ont transformé les répertoires ethnolinguistiques ruraux. Ces répertoires comprennent la langue parlée et le chant, en tachelhit et en arabe, chez les Berbères Ichelhin des plaines et des montagnes du Sud‐Ouest marocain. Elle a également co‐rédigé (avec l’historienne Susan Gilson Miller) un ouvrage interdisciplinaire, Berbers and Others : Beyond Tribe and Nation in the Maghrib (2010, Indiana University Press). Un troisième livre en cours de préparation, Mirror of the Soul: Language, Islam, and Law in French Native Policy of Morocco (1912‐1956), s’intéresse aux idéologies langagières portées par l’administration coloniale française dans le Maroc rural. Il défend la thèse que les interactions entre la langue, le droit, le genre, la religion et la morale ont des conséquences sur la politique indigène de la France, le nationalisme marocain et, plus récemment, les conflits contemporains autour de la langue et les droits culturels berbères (amazigh). Un accent particulier est mis sur les tribunaux coutumiers, fort utilisés par les femmes berbères des montagnes de l’Anti‐Atlas. Ces tribunaux ont à la fois suscité des polémiques nationalistes et généré un travail considérable pour les administrateurs du Protectorat et leurs employés nord‐africains. Le dernier terrain de travail mené par K. E. Hoffman en Afrique du Nord, dans le cadre du projet Les réfugiés de la révolution, est situé en Tunisie méridionale et en Lybie occidentale au moment des soulèvements du « Printemps arabe ». Il s’intéresse au rôle de l’ethnicité dans l’intégration dans le pays de premier asile de populations déplacées par la violence politique, ainsi qu’à la manière dont l’identité ethnique transnationale peut faciliter l’assimilation des réfugiés dans les pays du Sud. Ce projet étudie aussi les effets des révolutions populaires sur les minorités, en étudiant le cas des populations amazighes (berbères) en Lybie et en Tunisie.

PUBLICATIONS PRINCIPALES

Livres

  • (2008) We Share Walls: Language, Land and Gender in Berber Morocco (Wiley‐Blackwell)
  • (2010) (ed. with S. Gilson Miller) Berbers and Others: Beyond Tribe and Nation in the Maghrib (Indiana University Press).

Articles

  • (2017) “Navigating the Border: Amazigh Minorities from Libya in Tunisia during the 2011‐2012 Uprisings”. Mobility and Minorities in Africa (March 2017): 145‐167.
  • (2015) Pratiques juridiques et idéologies langagières dans un tribunal coutumier non officiellement multilingue (Judicial Practices and Language Ideologies in an Unofficially Multilingual Court). Special issue, “Diversité linguistique, transformations sociales et économie politique (Linguistic Diversity, Social Transformations and Political Economy).” Anthropologies et Societés 39(3):29‐50.
  • (2013d) Berbers, Borders, and Breakdown in the 2011 Libyan Civil War. New Directions in Middle East and North African Studies: Working Papers from Northwestern. Ed. B. Edwards. Doha: Northwestern‐Qatar.
  • (2013c) Le droit coutumier amazigh au Maroc (Amazigh Customary Law in Morocco). Perspectives 9:3‐5.
  • (2013b) Le serment, les marabouts et la mosquée dans le droit coutumier berbère au Maroc (Oaths, Saints, and the Mosque in Berber Customary Law in Morocco). Les Justices de l’Invisible (Invisible Justice). Eds. R. Verdier, N. Kalnoky and S. Kerneis. Paris: L'Harmattan, 373‐390.
  • (2013a) Suspicion, Secrecy, and Uncomfortable Negotiations over Knowledge Production. Encountering Morocco. Eds. R. Newcomb and D. Crawford. Bloomington: Indiana University Press
  • (2012) Local Hosting and Transnational Identity. Special Issue, "North Africa and Displacement 2011‐2012," Forced Migration Review 39: 12‐13.
  • (2010) Berber Law by French Means: Customary Courts in the Moroccan Hinterlands, 1930‐1956. Comparative Studies in Society and History 52(4): 851‐880
  • (2009) Culture as Text: Hazards and Possibilities of Geertz's Literary/Literacy Metaphor. Special issue, Islam Re‐Observed: Clifford Geertz in Morocco. Journal of North African Studies 14(3‐4):417‐430
  • (2008) Purity and Contamination: Language Ideologies in French Colonial Native Policy in Morocco. Comparative Studies in Society and History 50(3):724‐752
  • (2006) Berber Language Ideologies, Maintenance, and Contraction: Gendered Variation in the Indigenous Margins of Morocco. Language & Communication 26/2:144‐167.
  • (2002) Moving and Dwelling: Building the Moroccan Ashelhi Homeland. American Ethnologist 29(4):928‐962.
  • (2002) Generational Change in Berber Women's Song of the Anti‐Atlas Mountains, Morocco. Ethnomusicology 46(3):510‐540.
  • (2000) Administering Identities: State Decentralization and Local Identification in Morocco. Journal of North African Studies 5(3):185‐200.