Conference

Workshop by Thiago Chacon - "Classification nominale et autres procédés de catégorisation du nom dans les langues du monde"

From November 13, 2018 to November 14, 2018

The 13th of November 9h30 - 17h30
The 14th of November 9h30 - 16h30
Salle de Conférence (rdc, bâtiment D) Campus CNRS de Villejuif
Thiago Chacon, linguiste en résidence au Collegium de Lyon en 2018-2019, intervient lors de l'atelier "Classification nominale et autres procédés de catégorisation du nom dans les langues du monde". Cet atelier est organisé par Sylvie Voisin (Dynamique du langage, UMR 5596) et Nicolas Quint (Langage, Langues et cultures d'Afrique Noire UMR 8135).

Les processus de classification des unités lexicales sont un point où le génie des locuteurs des diverses langues du monde s'est exprimé de la façon la plus productive, conduisant à l'élaboration de systèmes particulièrement variés où l'on discerne cependant des traits récurrents à défauts d'être universels. Les différents systèmes de classification sont désormais assez bien distingués, et les particularités de chacun sont bien détaillées (accord, morphologie, fonctions, sémantisme…). Cependant, les ouvrages qui se focalisent sur les détails de ces systèmes et sur ce que l’on pourrait nommer les « innovations » de certaines langues par rapport au schéma général restent assez rares. Le but de ces journées vise donc à faire progresser les connaissances dans le domaine de la classification des unités lexicales des langues du monde, en illustrant les mécanismes de classification au moyen de données détaillées des différents systèmes, et en focalisant notre attention sur certains éléments qui sortent du cadre général.
Durant cet atelier, nous souhaitons mettre à profit les connaissances des participants dans la description des systèmes rencontrés dans les langues sur lesquelles ils travaillent pour explorer des aspects précis de ces systèmes qui restent encore peu pris en considération dans les typologies. Dans les langues à classes nominales, par exemple, certaines langues atlantiques (Niger-Congo) font des distinctions de classes à l’aide d’alternance consonantique à l’initiale. Dans ces langues, les appariements entre
classes de singulier et de pluriel constituent un système complexe de relations qui s’éloigne du prototype généralement décrit (Creissels et Pozdniakov 2015).
L’apparition d’un système de classification nominale dans des langues qui n’en avaient pas, ou à l’inverse la disparition / dégradation d’un système de classification nominale sont également des champs qui restent peu documentés. Le premier met en jeu des voies de grammaticalisation qui restent à décrire, et qui peuvent être intéressantes pour une meilleure compréhension de ces systèmes. Le second fait que certaines langues voient les systèmes se simplifier ou perdre certaines de leurs particularités, ce qui tend à rendre l’identification du système en jeu plus problématique. Dans tous les cas, la description synchronique de tels systèmes informe aussi bien sur les critères qui permettent une identification claire des différents types de systèmes que sur les éléments qui peuvent motiver leur création ou leur dégradation.
A côté ou en lien à cette émergence ou disparition des systèmes, on voit également des langues dont le système de classification se complexifie. Les langues qui attestent deux systèmes concurrents de classification nominale ont déjà fait l’objet de travaux (Workshop Gender and Classifiers: Diachronic and Synchronic Variation 2016- Surrey morphology group), mais à notre connaissance, aucun projet ne s’est encore focalisé sur la complexification des systèmes faisant intervenir d’autres marques pour encoder le nombre ou un autre trait particulier, en concurrence d’un système de classification, comme c’est le cas par exemple dans certaines langues atlantiques (Voisin 2016). Cette particularité joue sur le trait d’animacité, important dans les trois systèmes de classification et qui est rarement observée dans le détail.
La modélisation des systèmes de classe et des traits sémantiques qu’ils encodent sera également prise en compte. Ainsi, dans le domaine sémantique, il est possible d’identifier plusieurs profils de classification (Aikhenvald 2000 : 307-351) : à partir d’une valeur prototypique (exemple du classificateur tua ‘animal quadrupède’ en thaï associé par extension métaphorique aux « tables/chaises » (meubles à pattes) et aux « pantalons » (vêtements à pattes)), de primitives spatiales (codage des objets linéaires (1D), plans (2D), volumiques (3D), sans forme (liquides…) : cas du koalib), d’une fonction utilitaire (objets comestibles ou buvables dans diverses langues océaniennes), de formes de possession (aliénable/inaliénable…), du rapport au nombre (marquage spécifiques des paires singulatif/collectif en Niger-Congo et dans beaucoup d’autres groupes). Les possibilités sont variées mais visiblement limitées à un certain nombre de traits récurrents que nous nous attacherons aussi à modéliser pour une langue donnée (e.g. représentation graphique des objets à partir de la forme encodée en koalib : Couvrat & Quint en préparation) ou pour un groupe de langues (p.ex. pour différentes familles du Niger-Congo). Par ailleurs, toute entreprise de modélisation dans le domaine de la classification amène aussi à se poser la question de ce qui est réellement mis en jeu dans les mécanismes de la classification (François 1999) : la diversité typologique des langues étudiées lors de cet atelier contribuera à faire progresser la réflexion dans ce domaine.