Dorthe Staunæs: Sens des données et volonté de (ne pas) savoir

Aujourd’hui et globalement, les grandes bases de données comme les petits fichiers sont utilisés pour représenter et lister les étudiants (entre autres) à travers des nombres, graphiques et autres données métriques. Les données sont de petites parties de vie mesurées, utilisées dans la prise de décision et liées à d’éventuelles interventions. Les données expriment une volonté de savoir, pour paraphraser le premier volume de Foucault sur la biopolitique. Cependant, les données font plus qu’elles ne montrent. Les données sont agentielles, pas uniquement une question de faits. Les données vibrent et donc nous affectent et « mondialisent » notre regard et nos décisions de différentes façons.

Je débuterai ma présentation avec la série télévisée britannique Years by Years et le film britannique Sorry we missed you. En m'appuyant sur ces deux productions culturelles, je m’interroge sur la volonté profonde de connaissance à travers les données – mais aussi sur l'animosité à savoir quelque chose de spécifique et le malaise face au type de connaissances et de décisions auxquelles les données peuvent conduire. Passant au domaine du leadership éducatif, j'explore le croisement des données et des catégories sociales (sexe, ethnicité et race) dans le matériel d’interviews. Paradoxalement, je retrouve une volonté de ne pas vouloir savoir à travers les données. Cela m’amène à avancer qu'il est opportun de compléter le concept de biopolitique par celui de nécropolitique (Mhembe) : d'abord, en mettant en relief l'affect, la mort et le gaspillage dans la production et l'utilisation des données. Ensuite, en explorant comment, où, quand et pourquoi les décisions fondées sur les données laissent persister, ou pas, une certaine subjectivité des données, et donc de dé-potentialiser certains « genres d'être humain » (Wynter).

Professeur, PhD, Dorthe Staunæs
The Danish School of Education, Aarhus University.